La toile du monde – Antonin Varenne

Antonin Varenne nous conte la naissance d’un nouveau monde. L’exposition universelle de 1900 à Paris en est la symbolique, tout comme le fait de lier le récit avec la jeune société américaine.

Tornade rousse

Quelle belle idée que de terminer son triptyque par ce roman parisien ET universel. Ce roman est en effet lié par le sang à ses deux précédents, son héroïne Aileen Bowman étant la fille d’Arthur Bowman, le personnage de l’inoubliable Trois mille chevaux vapeur. Elle a la même soif de liberté que son aventurier de père, et la même indépendance.

La toile du monde se lit clairement indépendamment, et se démarque largement de ses deux prédécesseurs. Par son ambiance parisienne, son atypique personnage principal, sa narration même. Au souffle des grands espaces se substitue celui de l’incroyable machinerie que fut cette exposition hors-norme.

La vivre à travers le regard d’Aileen Bowman est une aventure à part entière. A une époque où la femme n’a qu’une place dans l’ombre, l’arrivée de cette américaine à Paris tient lieu de tornade. Journaliste (rares sont celles à pouvoir écrire à cette époque), habillée comme un cow-boy (le port du pantalon est normalement interdit pour une femme), bisexuelle et libre de parole, elle se fait remarquer partout où elle passe.

L’étoile du monde

L’écrivain retranscrit parfaitement cette étonnante époque à l’orée du XXème siècle, ses progrès technologiques, les prémisses de son ouverture vers les autres mondes. Étonnante société qui ne laisse encore que peu de place à la femme, sous couvert de respect de certaines traditions, mais qui pourtant ne se choque aucunement des peintures de nus des artistes à succès de l’époque (de nos jours, nombre de ces dessins seraient bannis sur les réseaux-sociaux, mais c’est une autre histoire…).

Antonin Varenne ne se répète décidément pas. La toile du monde est autant une immersion dans un Paris en chantier et qui se veut l’étoile du monde (inauguration du métropolitain, étonnant trottoir roulant, l’électricité de jour comme de nuit…), que la plongée dans l’âme d’une femme trop libre pour réellement trouver sa place. La liberté pousse à côtoyer certains excès et amène à la solitude.

Liberté

Aileen Bowman n’est pas qu’un être de papier. Sa caractérisation est tellement fine, jusqu’aux interstices contradictoires de sa personnalité, qu’on à l’impression qu’elle prend vie à travers ces pages. Entre réalité et fiction (elle croisera des personnes ayant réellement existés), son destin va changer du tout au tout après ce voyage en France.

L’auteur a pris grand soin de travailler sa plume pour raconter l’histoire de son personnage et d’une époque étonnante. Il y a clairement un bout d’Amérique dans ce Paris-là, et pas seulement du fait de sa protagoniste principale. L’exposition universelle a également été l’occasion de proposer des spectacles « exotiques » avec nombre de peuplades, dont de véritables indiens. Des « sauvages » pour distraire les 50 millions de visiteurs de cet événement. Ça ne sera pas sans incidence sur ce qui est conté dans ce roman. Une histoire de sang mêlé, je le disais en préambule.

La toile du monde est un roman d’un nouveau souffle dans la bibliographie d’Antonin Varenne, plus universel sans doute, plus à même de toucher un large public, curieux de cette période à cheval entre le XIXème et le XXème siècle. Un roman universaliste où souffle un vent de liberté, dusse-il attiser des flammes de douleur. Une très belle réussite.

Sortie : 22 août 2018

Éditeur : Albin Michel

Genre : Roman historique / noir

Ce que j’ai particulièrement aimé :

L’immersion dans une époque étonnante, aux pieds du XXème siècle

Le personnage principal, singulier et attachant

L’écriture, magnifiquement travaillée

4° de couverture

La toile du monde possède le souffle sensuel et l’énergie des grands romans qui plient la réalité aux dimensions du rêve. Rêve de liberté d’une femme venue d’un autre monde, rêve de métamorphose du Paris de 1900, décor de l’Exposition universelle. Après Trois mille chevaux-vapeur et Équateur, Antonin Varenne signe une oeuvre saisissante et confirme la singularité de son talent.

Aileen Bowman, trente-cinq ans, journaliste, célibataire, est venue couvrir l’événement pour le New York Tribune. Née d’un baroudeur anglais et d’une française utopiste, élevée dans le décor sauvage des plaines du Nevada, Aileen est un être affranchi de tout lien et de toute morale, mue par sa passion et ses idéaux humanistes. Au fil d’un récit qui nous immerge au coeur de la ville en chantier, du métropolitain naissant aux quartiers des bordels chers aux peintres, la personnalité singulière d’Aileen se confond avec la ville lumière. Un portrait en miroir qui dessine la toile du monde, de l’Europe à l’Amérique, du XIXe et au XXe siècle, du passé d’Aileen à un destin qu’elle n’imagine pas.



Catégories :Littérature

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10 réponses

  1. Salut Yvan, Achat aujourd’hui pour moi, évidemment ! Antonin Varenne est un de mes auteurs favoris. Amitiés

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Il va te surprendre 😉

  2. Voilà un thème qui devrait me plaire beaucoup
    Merci

  3. Bon, avec un peu de chance je vais peut-être réussir à mettre mon commentaire aujourd’hui… (ça fait juste au moins 5 fois que j’essaie… un petit problème avec un compte WordPress…) Bref ! Je voulais juste dire que j’avais beaucoup aimé « Équateur » du Sieur Varenne et que ce que tu dis de celui-ci ne peut que me donner envie de le lire…

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      ça a marché ;-). Il est très différent d’Equateur, mais je suis certain qu’il te plaira

  4. Il faut donc que je le découvre aussi !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      c’est bien résumé 😉

  5. Belle analyse. Anecdotique : je regrette le « dusse il » final

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Merci. Oui, c’est anecdotique 😉

Rétroliens

  1. La toile du monde d’Antonin Varenne | blacknovel1

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