La honte – Jon Ronson

Jon Ronson n’est pas un journaliste comme les autres. Dans Êtes-vous psychopathe ? (chez l’éditeur Sonatine également en 2017), il investiguait pour tenter de comprendre, avec brio, un phénomène qui semble prendre de l’ampleur dans notre société moderne. Le voilà qui se penche sur un autre phénomène, celui du bashing sur les réseaux sociaux (j’utilise volontairement le terme anglais, puisque c’est une « mode » qui s’est propagée dans les pays anglo-saxons, avant de venir faire des ravages ailleurs).

Immédiateté

La honte est une enquête particulière parce que le journaliste n’hésite pas à y parler de lui-même et à mettre en doute ses propres pratiques. On est loin de l’investigation formatée. Jon Ronson a un style décalé, bien à lui, fait de rencontres.

Gare à vous si vous êtes un personnage public ou un simple quidam qui veut se croire drôle. L’abîme peut vite s’ouvrir sous vos pieds. Ce livre étonnant est le récit, à plusieurs visages, de ce voyage au bout de l’enfer.

De nos jours, on peut perdre la face (et son travail, et sa vie…) en l’espace de quelques minutes. Être cloué, à la minute, au pilori sur la place publique (qui est désormais le monde dans son intégralité).

Jon Ronson s’appuie sur quelques cas marquants. Des personnes qui ont perdu leur réputation, leur image, et qu’il est allé rencontrer. Des campagnes de dénigrement qui font froid dans le dos (comme l’histoire de cette femme, aux 170 petits abonnés Twitter, qui s’est retrouvée lynchée durant des mois pour une blague de bien mauvais goût, au point de se retrouver au centre du jeu sur Twitter et dans les médias).

Décryptage de l’humiliation de masse

L’auteur décrypte un phénomène, sans jamais se faire donneur de leçon (il explique qu’il était lui-même un accro de la critique immédiate sur Twitter, son cas personnel s’insérant dans l’enquête).

Les exemples sont parlants, avec ce décryptage de l’humiliation au présent (mais aussi au passé, pour mieux comprendre le processus), avec un ton empreint de sérieux et d’une certaine forme de dérision cafardeuse.

Le phénomène de honte n’est pas nouveau, mais il prend des proportions inédites avec les réseaux sociaux ; plus grand, plus loin, plus fort. Le sentiment de honte guérit plus difficilement que certains sévices physiques.

Ce livre se lit presque comme un roman, mais pourtant c’est la réalité sans fard. L’enquête de Jon Ronson est prégnante parce qu’elle met les personnes au centre, tout en décortiquant les rouages du dénigrement de masse.

La honte est une lecture qui permet de prendre un certain recul face à l’immédiateté des réseaux sociaux. L’auteur, avec sa patte très personnelle, en faisant part de ses doutes et de l’évolution de sa compréhension du phénomène, rend cette lecture aussi addictive que salutaire.

Sortie : 08 février 2018

Éditeur : Sonatine

Genre : Enquête journalistique

Traduction : Fabrice Pointeau

Ce que j’ai particulièrement aimé :

Le sujet et la manière personnelle avec laquelle il est abordé

 

4° de couverture

Un tweet malheureux, un plagiat, une remarque de mauvais goût qui vous échappe et, avec les réseaux sociaux, c’est désormais le monde entier qui peut vous tomber dessus. En quittant ainsi la sphère personnelle, la honte a depuis quelques années connu une promotion inespérée.
Grand reporter d’un genre très particulier, Jon Ronson a rencontré quelques honteux célèbres malgré eux. Au-delà de ces portraits, parfois dramatiques, parfois désopilants, il s’interroge sur cette nouvelle forme insidieuse du contrôle social. Derrière son écran, la majorité silencieuse s’en donne en effet à coeur joie pour pointer les fautes des autres, et s’en réjouir.
Et aujourd’hui, une journée où personne n’est désigné du doigt sur la Toile finit par être ennuyeuse, sinon décevante. Seraient-ce les nouveaux jeux du cirque ?



Catégories :Littérature

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9 réponses

  1. Je sens que si je le lis je vais supprimer tous mes comptes sur les réseaux sociaux et jeter mon ordi 😀 😀
    Ou alors j’irai vivre chez les Amish, c’est plus simple 😀

  2. Ça m’a l’air très intéressant !!

  3. Oh, celui là aussi je le veux !

  4. belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

    Avant, la honte ne sortait pas du petit cercle de la famille, des amis, ou de sa classe, au pire, l’école, maintenant, l’univers entier est au courant. Je ne voudrais plus être à l’école maintenant.

    Bon, la fée plus le barbu, j’ai pas le choix, je dois noter, et lire le premier 😉

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      C’est très gentil de ta part de me comparer à une fée, mais je ne comprends pas du tout pourquoi tu traites Stelphique de barbue !

      • belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

        Oh mince, j’ai encore abusé du café au mojito… je vieillis, je ne sais plus ce que je tape sur mon clavier.

        ♫ Elle jouait du PC debout ♪ c’est peut-être un détail pour vous ♫

  5. Collectif Polar : chronique de nuit – Simple bibliothécaire férue de toutes les littératures policières et de l'imaginaire.

    J’avais découvert Je ne suis pas un psychopathe grâce à toi ! Et j’ai déjà apprécié le décalage de l’auteur.
    Une fois de plus tu te fais tentateur !
    Rhaaaa mais j’arrive plus à suivre moi !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      eheh, j’aime son coté à la fois sérieux et décalé

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