D’ombre et de silence – Karine Giébel

La nouvelle est un art à part entière. Les auteurs francophones qui y sont autant à l’aise que dans le cadre d’un roman ne sont pas légion. Karine Giébel en fait partie.

Il est très dommage que ces courtes histoires ne soient pas davantage mises en valeur dans l’hexagone. Il suffit, à contrario, de voir ce qui se fait dans les pays anglo-saxons pour attiser ce regret. Stephen King a construit une partie de sa légende sur ses nouvelles et novellas (dont certaines ont même été adaptées à l’écran).

Descentes aux enfers

D’ombre et de silence est un recueil qui regroupe huit nouvelles. Certaines sont inédites : trois récits, dont la plus longue au format novella et qui, à elle-seule, vaut le détour tant elle est forte et émouvante (Ce que les blessures laissent au fond des yeux). Les autres ont été diffusées dans différentes publications au fil des années (comme dans les recueils au profit des restos du cœur : 13 à table). Elles sont de qualité et méritent lecture ou relectures.

Ceux qui imaginent tout connaître de Karine Giébel ou qui veulent la cantonner dans un style répétitif, risquent d’être surpris. Toutes les histoires sont noires et violentes. Elles mettent souvent en scène des personnages qui vivent des descentes aux enfers (ou qui sont nés au fond du trou, et qui creusent encore…). Mais l’auteure sait varier l’intensité de cette noirceur et la pénombre qui assaille les protagonistes. Elle module son écriture de manière à ne pas tomber dans la répétition tout en gardant sa singularité. Rien que ça, c’est un petit exploit.

Les minorités, aussi

Et il y a les thèmes choisis, aussi. Certains très proches de ses romans, d’autres plus étonnants, avec comme point culminant (à mon sens) sa manière de mettre en scène les minorités. A ce titre, Ce que les blessures laissent au fond des yeux et Aylena sont deux textes aussi marquants que salutaires.

Dans les récits noirs D’ombres et de silence, Karine Giébel n’oublie jamais l’essentiel : donner vie à des personnages en quelques mots. Elle y arrive avec talent, ce qui rend ce recueil de nouvelles d’autant plus prenant. Ils en deviennent attachants, même dans leurs pires aspects.

La misère dans laquelle ils se débattent, tout déprimante qu’elle soit, est frappante et parfois profondément émouvante. C’est ça aussi l’univers noir de Karine Giébel, porter la voix de ceux qu’on ne voit pas et de ceux qui n’ont plus la parole.

Sortie : 19 octobre 2017

Éditeur : Belfond

Genre : Nouvelles noires

Ce que j’ai particulièrement aimé :

L’étonnante capacité de l’auteure à installer une ambiance en quelques phrases

Les personnages et les sujets traités

La variété des récits

4° de couverture

« Partir sans lui dire au revoir.
Parce que je me sens incapable d’affronter ses larmes ou de retenir les miennes.
L’abandonner à son sort.
Parce que je n’ai plus le choix.
(…)
Je m’appelle Aleyna, j’ai dix-sept ans.
Aleyna, ça veut dire éclat de lumière.
(…)
J’ai souvent détesté ma vie.
Je n’ai rien construit, à part un cimetière pour mes rêves.
Là au moins, on ne pourra pas me les voler. »

Si les romans de Karine Giébel sont parmi les plus lus en France et ont fait le tour du monde, celle-ci excelle depuis quelques années dans un genre tout aussi exigeant : la nouvelle, où elle condense en quelques pages seulement toute la force de ses romans. D’OMBRE ET DE SILENCE réunit huit textes, dont certains sont inédits et d’autres restés jusqu’à aujourd’hui très confidentiels. Voici l’occasion de (re)découvrir Karine Giébel intensément, grâce à ce recueil de nouvelles noires, humaines, engagées…



Catégories :Littérature

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5 réponses

  1. Je suis en court de lecture et je dois dire que c’est assez poignant de la lire en novelliste.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      je confirme le mot oui, poignant

  2. belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

    Pas encore eu le temps de le lire… c’est pas de la mauvaise volonté, juste que les journées ne font que 24h et que je dois dormis un peu (beaucoup, en hiver, la Belette hiverne sous la couette)

  3. je préfère Karine Giebel dans l’exercice de la nouvelle. Je la trouve plus… intéressante! 🙂

Rétroliens

  1. Interview – 1 livre en 5 questions : D’ombre et de silence – Karine Giébel – EmOtionS – Blog littéraire et musical

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