Interview – 1 livre en 5 questions : Nuit – Bernard Minier

1 livre et 5 questions à son auteur, pour lui permettre de présenter son œuvre.

5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger.

Bernard Minier

Titre : Nuit

Sortie : 23 février 2017

Éditeur : XO

Lien vers ma chronique

C’est un exercice particulier que d’écrire un tel face-à-face, une telle confrontation, non ?

C’était un sacré défi, en tout cas. Cela faisait trois ans que j’avais mis Servaz en congé. Quant à son meilleur ennemi Julian Hirtmann, il était carrément absent de N’Eteins pas la Lumière et dans l’ombre dans Le Cercle. Il fallait une raison très puissante pour le faire revenir au-devant de la scène, et cette raison c’est évidemment Gustav, cet enfant de cinq ans, dont on se demande qui il est, où il se trouve et qui sont ses parents. Mais, au-delà de ça, je savais en effet que cette confrontation, ce « duel » devait être hors normes dans toutes ses dimensions, que l’on ne pouvait pas se contenter de demi-mesures : il fallait du lourd.

Tu aurais pu tomber dans une certaine facilité, mais tu as voulu surprendre le lecteur, dès les scènes d’introduction…

Il ne faut jamais céder à la facilité, il faut être d’une absolue exigence dans les grandes comme dans les petites choses. L’écriture d’un roman comme Nuit, c’est un combat. Contre la facilité, contre soi-même quand on a l’impression – ça m’est arrivé – que la montagne est trop haute à gravir, contre le lecteur même, qui place – et c’est normal – la barre un peu plus haut à chaque livre. Il y a en effet cette fameuse scène inaugurale sur la plate-forme, ce lieu incroyable, cette ville flottante dont on se demande comment elle résiste aux tempêtes de la mer du Nord, et puis il y a ce qui arrive à Servaz d’entrée de jeu – mais on ne va pas en dire plus pour ne pas spoiler…

L’intrigue est particulièrement fouillée, mais tu sembles l’avoir construite surtout pour mettre en avant les personnages…

Les personnages, c’est ce qui m’intéresse le plus dans un roman, en tant qu’auteur comme en tant que lecteur. De quoi se souvient-on quand on a refermé et oublié des romans tels que Le Chien des Baskerville, Les Démons, La Taupe, les romans de Mankell, de Nesbo, de Connelly ou Millenium ? De Sherlock Holmes, de Stravoguine, de George Smiley, de Wallander, de Harry Hole, de Bosch, de Lisbeth Salander. Autrement dit des personnages. Quelle que soit l’histoire qu’on raconte, quel que soit le sujet, la réussite d’un roman tient toujours, en fin de compte, à la qualité, à la complexité, à la richesse et à l’humanité de ses personnages.

Tu excelles vraiment dans l’art de créer des atmosphères anxiogènes, « Nuit » en est une nouvelle preuve. C’est par l’ambiance que le lecteur peut ressentir cette peur encore plus intensément ?

La peur, elle a tout un tas de degrés et tout un tas de visages. Tu connais cette phrase de Lovecraft, un maître en la matière : « la plus ancienne, la plus forte émotion humaine, c’est la peur ». Je joue en effet avec mes peurs et avec celles des autres. En ce qui concerne les atmosphères, je les conçois vraiment comme le ferait un metteur en scène, j’imagine chaque détail du décor, je me vois moi-même entrant dans ce décor : je suis à la fois le réalisateur, les acteurs, le directeur de la photographie, le scénariste. L’avantage, c’est que j’ai un budget illimité. Mais la peur naît souvent de petites choses très simples, une porte fermée, un cri derrière, une fenêtre ouverte, qui ne devrait pas l’être, et le vent qui soulève les rideaux, des traces de pas dans la neige… Cela dit, la peur n’est pas une fin en soi, c’est un moyen, le moyen de révéler la vérité des personnages, ce qui se cache derrière les masques.

Les émotions sont fortes avec cette lecture, mais pas seulement en termes d’angoisse. La palette est bien plus large que ça…

Oui. Hitchcock disait que son obsession était la participation du public. C’est de ça qu’il s’agit. J’essaie de faire en sorte que mes lecteurs vivent autant que faire se peut ce que vivent et expérimentent mes personnages, et ça passe d’abord, bien entendu, par les émotions. Quand Kirsten se pose avec cet hélicoptère sur cette plate-forme et qu’elle a le vertige en voyant le vide sous elle et la mer rugissante, j’essaie de faire en sorte que le lecteur ressente cela. Quand Servaz reçoit une balle, je ne peux pas me contenter d’énoncer ce simple fait : il faut aller beaucoup plus loin dans la gamme des émotions et des sensations. Et puis, les émotions, c’est un outil de communication formidable : il est beaucoup plus facile de faire entrer une idée dans une tête grâce à une émotion que par la raison. C’est ce que font tous ces bateleurs politiques. Ils ne nous demandent pas de penser, surtout pas, mais d’être émus, en colère, révoltés ou effrayés. J’ai cette obsession en commun avec Hitchcock : je ne veux pas que mes lecteurs lisent, je veux qu’ils ressentent, qu’ils éprouvent, qu’ils vivent ce que vivent, sentent et éprouvent les personnages ; je veux les prendre par le col, les secouer, les remuer, les émouvoir – c’est ce que je tente de faire, en tout cas.



Catégories :Interviews littéraires

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15 réponses

  1. Je pense qu’au vu de la dernière réponse de l’auteur, je me demande encore pourquoi je n’ai pas encore ouvert un de ses livres, alors qu’ils sont dans ma PAL!!!!!!Viiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiite du temps (ce sont de jolis pavés!!!)…Je pense me faire un total kiff très bientôt, en enchainant tous ses livres….;)

  2. En commande
    Devrait par tarder à arriver et à être lu
    Beau duo

  3. belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

    Pas encore lu !!!

  4. J’ai bien évidemment dévoré Nuit.
    Quel plaisir de retrouver les personnages, les lieux…..

  5. Minier est pour moi un des meilleurs auteurs de thriller français. Il n’est pas très prolifique mais ça vaut tellement le coup d’attendre ☺

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Pour moi aussi c’est l’un des plus doués

  6. Collectif Polar : chronique de nuit – Simple bibliothécaire férue de toutes les littératures policières et de l'imaginaire.

    Pas encore lu Nuit ! :/

  7. https://polldaddy.com/js/rating/rating.jsSympa l’interview, j’aime bien ça : « je ne veux pas que mes lecteurs lisent, je veux qu’ils ressentent, qu’ils éprouvent ». J’attends la sortie en poche pour celui là. Tiens faut que je rajoute une ligne à ma note : « Pardon de ne pas acheter les livres à leur sortie ! » 😉

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Ahah. Tu fais bien de le noter en tout cas 😉

Rétroliens

  1. Nuit – Bernard Minier – EmOtionS – Blog littéraire et musical

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