Interview – 1 livre en 5 questions : En douce – Marin Ledun

1 livre en 5 questions

1 livre et 5 questions à son auteur, pour lui permettre de présenter son œuvre. 5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger.

 

Marin Ledun

Titre : En douce

Sortie : 24 août 2016

Éditeur : Ombres noires

Lien vers ma chronique de ce roman

Après deux romans autour des problématiques basques, tu reviens à un sujet plus social. Pourquoi cette volonté ?

Bonjour. Il y a effectivement une différence de thématique entre mes deux romans basques et En douce, tu as raison, mais sur le fond, je dirais qu’En douce est un roman aussi politique que L’homme qui a vu l’homme ou Les visages écrasés, d’une part, et qu’il y a une vraie continuité de travail sur le style, d’autre part.

En douce participe d’une critique de la vie quotidienne que j’ai déjà entamée dans La guerre des vanités ou Les visages écrasés. C’est « social » parce que ces romans parlent de situations qui peuvent nous toucher toutes et tous, qui parlent de la banalité tragique de nos vies aujourd’hui. C’est « social » parce que nous sommes tous des perdants magnifiques comme Émilie, même si nous ne basculons pas nécessairement.

Sur la forme, je n’aurais pas pu écrire En douce sans les centaines d’heures passées sur Au fer rouge, sans le travail porté à synthétiser, à épurer mes phrases, et sans le plaisir que j’ai eu à élaborer le personnage de Macrina. Ces romans « basques » m’ont permis de progresser, je crois, et de proposer un récit plus sec.

Tu as axé le récit sur peu de personnages, dont une héroïne particulièrement touchante. C’était important pour toi de te focaliser ainsi sur elle ?

Émilie est en effet le cœur de l’histoire, je suis d’accord avec toi, et ce qui prime, c’est son rapport à sa jambe, au travail, aux autres, au monde.

Je désirais un personnage combatif, meurtri par la vie, mais débordant d’une soif de comprendre ce qui lui arrive. D’un point de vue formel, Émilie symbolise selon moi ce que serait la démarche du roman noir : décortiquer le monde qui nous entoure, les rapports sociaux qui le déterminent, surtout dans ce qu’ils ont de plus « sale », pour mieux les comprendre ensuite et, pourquoi pas, essayer de les changer.

Émilie dresse un constat pessimiste mais elle ne se contente pas de subir les événements, elle y participe, elle est active de sa propre vie, elle redresse la tête et fonce dans le tas. Elle pourrait simplement accepter les choses, acheter, consommer, mais elle sent que quelque chose ne tourne pas rond et elle décide que ce n’est pas acceptable, ni pour elle, ni pour les autres. Émilie veut être libre, même si elle doit payer cette liberté le prix fort.

La thématique de la séquestration est connue, mais tu t’es vraiment affranchi des contraintes et poncifs du genre…

Je te remercie. La question de l’enfermement est présente dans beaucoup de mes romans, en réalité, et je l’explore depuis Marketing Viral ou Modus Operandi, mes premiers romans.

Ici, il s’agit moins d’un enfermement physique que social. Bien sûr, Simon Diez ne serait pas d’accord avec moi, mais ce qui m’importe dans En douce, c’est ce qu’Émilie reproche à Simon : se taire, laisser couler, ne surtout pas sortir de son petit confort de peur de le perdre, quitte à passer à côté de sa vie.

L’enfermement est social. Et c’est bien de cela dont il est question ici : comment on s’en sort, ensemble ?

On sent que la manière dont évolue notre société te touche beaucoup. Gare à celui qui se retrouve décroché de ce train fou…

Cela nous touche tous, je crois. La folie humaine qui nous entoure, la destruction de la planète, la course effrénée aux dividendes, la ruée consumériste…

Émilie, comme chacun d’entre nous, pressent que quelque chose ne tourne pas rond, même si elle ne sait pas exactement de quoi il s’agit. Bien sûr, son accident l’extrait de force de ce « train fou » dont tu parles, mais ensuite elle cherche à s’y raccrocher, avant de réaliser qu’elle ne le veut plus. Qu’elle ne veut plus faire partie de ce train fou, que ce n’est pas la vie dont elle rêvait. Cet accident de la vie lui ouvre les yeux, d’une certaine manière, mais c’est à elle de faire tout le travail ensuite pour ne pas reprendre comme avant et de grandir.

Nous vivons dans une société d’enfants caractériels, d’enfants-rois, de clients-rois. Nous voulons tout, tout de suite. Nous sommes dans la jouissance immédiate. Nous refusons la frustration. L’accident d’Émilie lui permet au contraire de sortir de l’enfance, d’apprendre le « non », de mûrir, de porter enfin un regard adulte sur sa vie, de prendre le temps pour réfléchir, discuter, échanger.

Tu ne sembles pas très optimiste quant au futur de notre société de plus en plus déshumanisée (en même temps ça te donnera de la matière pour d’autres romans)…

Pardon de te contredire, mais je suis un grand optimiste, au contraire !

S’il n’y a pas l’once d’un espoir que les humains inversent enfin la tendance et cessent de se comporter comme des rois écarlates, à quoi bon écrire sur tous ces sujets ? A quoi bon écrire tout court ?

Écrire et lire sont déjà des actes optimistes ! C’est comme cela que je vois les choses.



Catégories :Interviews littéraires

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14 réponses

  1. Smadj – Plus que des quatrièmes de couverture, plus que des résumés de films, c'est de la passion et de l'émotion que vous découvrirez ici.

    Une excellente et magnifique interview ❤️

  2. belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

    Bien dit, na ! 😉 Merci à lui et à toi.

  3. Collectif Polar : chronique de nuit – Simple bibliothécaire férue de toutes les littératures policières et de l'imaginaire.

    J’adore cet exercice, c’est toujours passionnant à lire.
    Il va falloir que je le lise celui-ci.
    Mais rassures-toi, il entrera dans nos bibliothèques; 😉

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Je n’étais pas inquiet 😉

  4. bonjour Yvan,
    je ne sais pas pourquoi je ne me suis pas inscrite à ton blog tout de suite,
    génial interview
    on se laisse entrainer dans la trame des questions-réponses
    et un de plus de commander
    merci à toi

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Ben tu vois, il n’est jamais trop tard ;-). Oui l’interview est passionnante !

  5. J’avais beaucoup aimé Les visage écrasés et curieusement je n’ai rien lu d’autre de Marin Ledun. J’ai du rattrapage. .. ☺

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Celui-ci serait un bon prolongement de ta première expérience

      • Il est sur la prochaine masse critique. Je compte bien m’inscrire 🙂

        • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

          Bonne idée. Sinon, tu viens lire le blog le jeudi maintenant ? Les habitudes se perdent 😉

Rétroliens

  1. En douce – Marin Ledun | EmOtionS – Blog littéraire et musical

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