Morwenna – Jo Walton

chronique littéraire

Morwenna est un livre étrange. D’une magnifique étrangeté.

Sous la forme du journal d’une adolescente de 15 ans férue de SF, le récit est tout à la fois terre-à-terre et empreint de merveilleux. Une étonnante alchimie qui fonctionne étonnement bien.

Doit-on s’étonner que le roman soit auréolé des plus prestigieux prix de la SF et de la Fantasy alors que l’aspect fantastique n’apparaît que par petites pincées ? Assurément non, car le mélange de réalité et de fiction s’imbrique à la perfection.

Des prix à la pelle

Prix Hugo, prix Nebula, British Fantasy Award, une accumulation de récompenses qui donne le tournis. Mais sortons de ces prix décernés par les spécialistes, car ce roman particulièrement humain mérite vraiment de rencontrer un public le plus large possible.

Jo Walton, dans ce récit semi-autobiographique, nous emmène à la rencontre de Morwenna, attachante adolescente des années 80, au comportement décalé par rapport à celui de ses congénères. Une adolescence que l’ont suit à travers le Pays de Galles de leur enfance (à l’auteure et au personnage) et lors de son déracinement des contrées (magiques) de ses ancêtres.

Ode à la littérature

Oui, le roman est une ode à la littérature de genre, à un certain âge d’or de la SF. L’énumération d’une flopée d’auteurs et de titres de romans de SF et de Fantasy aurait pu tourner à la litanie, mais ce n’est pas ce qu’on retient. Qu’on ne connaisse pas ces romans n’est pas un handicap en soi, ils s’intègrent dans le récit et ne sont présents que comme un cri d’amour pour cette littérature et pour développer les thématiques.

En parlant de handicap, Morwenna (le personnage) a quelques particularités. Handicapée par un accident de voiture qui l’a laissée en partie sur le flanc tout en la coupant d’une partie d’elle même (sa sœur jumelle), l’héroïne à la particularité de croire en la magie et… de parler aux fées.

Subtilité

La voilà cette sobre touche de fantastique intégrée dans le récit. Une particularité qui prend peu de place dans l’histoire en elle-même tout en étant essentielle. Le tout est mené avec un tel naturel et un si belle subtilité qu’on adhère sans y penser, sans vouloir trancher entre destin et surnaturel.

Emprunt de naïveté (l’héroïne à 15 ans), tout comme d’une vraie profondeur (elle se pose bien davantage de questionnements et échafaude davantage d’hypothèses de vie que la plupart des adultes), le récit aborde de manière intelligente de nombreuses thématiques.

Ce roman ne propose pas de réelle intrigue en soi. C’est un journal ; jour après jour le quotidien banal ou merveilleux de cette adolescente en quête d’identité.

Chronique

Chronique sur la différence, réflexions sur la vie à travers cette héroïne qui a tendance à beaucoup s’identifier aux personnages des romans, pensées sur cette période charnière de sortie de l’enfance, étude sur le deuil… Les thèmes sont tellement nombreux, riches et judicieusement exposés que cette lecture en devient très vite émouvante.

Jo Walton propose un roman de genre sans en être un, à destination d’adultes à l’esprit ouvert mais qui attirera également les lecteurs tous âges confondus. Morwenna est un vrai et magnifique hymne à l’amour de la lecture et au partage de cette passion.

Alors, comme l’héroïne qui voit souvent la vie à travers le prisme de Tolkien et et du Seigneur des anneaux, laissez-vous embarquer par ce féerique et intimiste voyage dans la vie de Morwenna.

PS : je termine par la dédicace de début du roman, à destination de mon amie Geneviève, bibliothécaire émérite 😉 : à toutes les bibliothèques du monde et aux bibliothécaires qui, jour après jour, prêtent des livres au public.

Une citation très parlante :

« J’ai l’impression parfois qu’il n’y a que les livres qui rendent la vie supportable, comme à Halloween quand j’ai voulu vivre uniquement parce que je n’avais pas fini Babel 17. Je suis sur que ce n’est pas normal. Je m’inquiète plus des personnages des livres que des gens que je côtoie tous les jours. »

Sortie : 10 avril 2014

Éditeur : Denoël – Lunes d’encre

Notes (sur 5) :

Originalité de l’intrigue : ♥♥♥ 1/2

Profondeur de l’histoire : ♥♥♥♥ 1/2 

Psychologie des personnages : ♥♥♥ 1/2

Qualité de l’écriture : ♥♥♥ 1/2

Émotion : ♥♥♥ 1/2

Note générale : ♥♥♥ 1/2 

4° de couverture

Morwenna Phelps, qui préfère qu’on l’appelle Mori, est placée par son père dans l’école privée d’Arlinghurst, où elle se remet du terrible accident qui l’a laissée handicapée et l’a privée à jamais de sa soeur jumelle, Morganna.

Là, Mori pourrait dépérir, mais elle découvre le pouvoir des livres de science-fiction. Delany, Zelazny, Le Guin et Silverberg peuplent ses journées, la passionnent.

Un jour, elle reçoit par la poste une photo qui la bouleverse, où sa silhouette a été brûlée. Que peut faire une adolescente de seize ans quand son pire ennemi, potentiellement mortel, est une sorcière, sa propre mère qui plus est ? Elle peut chercher dans les livres le courage de combattre.



Catégories :Littérature

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26 réponses

  1. Ben dis donc, je ne savais pas que Jo Dalton écrivait d’aussi beau livre… des 4,5 partout, ça fait réfléchir ! Mais tu connais mon Everest à moi et vu que ces derniers temps tu m’as fait ajouter beaucoup (argh !!), faut que je me calme, sinon, Chouchou va te glisser deux mots le 10 !! 😉

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      ah ben non je ne veux pas avoir Chouchou sur le dos, j’ai le dos fragile 😉

  2. Je crois que celui ci a tout pour me plaire et avec cette chronique on a encore plus envie de découvrir la plume de cet auteur!!!!!;)

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      alors fonce 😉
      Elle a écrit pas mal de romans mais c’est le premier à être traduit si je ne me trompe pas

  3. L'antre du bonheur – Booktubeuse, blogueuse, amoureuse des mots. Lectrice de romans en tout genres, de mangas et de bandes dessinées :)

    Encore un livre que je ne connaissais pas du tout et que je pourrais ajouter à mon énorme PAL. Mais comment vais-je faire pour lire toutes ces tentations? 🙂

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      tu ne peux pas mais c’est pas grave 😉
      Eh oui, je ne lis pas que des polars, tu vois 😉

  4. Lord Arsenik – Noumea - Nelle-Calédonie

    Ah que voilà une critique qui m’interpelle (une fois de plus).
    Clic Clic Clic… Et hop dans la PàL !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      oui ça fait longtemps que tu n’as pas lu un peu de SF 😉

  5. jostein59 – Rédactrice du blog Sur la route de Jostein depuis 2010, je lis surtout des romans contemporains.

    J’ai repéré ce livre dans les conseils de lecture du dernier magazine Lire. Moi qui lis peu de SF, je pense qu’il pourrait me plaire et me permettre de satsifaire cette catégorie de mon challenge Mélange des genres. Ton avis confirme mon intention.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Voilà une bonne idée en effet vu le titre du challenge ;-). Les références aux romans de SF dans le livre ne te parleront pas mais ce n’est clairement pas un handicap pour moi

  6. Tu connais mon goût immodéré pour la sf 😉
    C’est le genre de lecture qui risquerait de nous diviser et ça c’est impossible alors malgré cette chronique sortie de ton imagination fertile et surdouée, malgré toutes ces étoiles, je dis non, non et non !
    Enfin pour le moment. …. 😉

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      bah ce livre ne nous diviserait pas 😉

  7. Je me sens perdue là…totalement égarée…mon coeur me dit: « Lis-le »! et ma raison me dit:  » Arrête d’acheter des livres, tu en as assez »! Que dois-je faire? ?

  8. Que voilà, une bien belle dédicace. Touchée, je suis. C’est vrai qu’il y a quelque chose de noble dans notre métier. Et que c’est un bien beau métier que beaucoup d’entre nous exerçons avec passion. Et quand il s’agit de littératures, quelles soient noires, blanches, de genres ou autres, cette passion est facile à communiquer. Tu en sais quelque chose puisque que tu as encore réussi à me faire envie avec ta bien belle chronique pour ce titre, qui, a n’y pas manquer, va rejoindre ma propre bibliothèque mais aussi les rayonnages SF de la bibliothèque où je bosse. 😉 🙂
    Une dédicace sur un livre transgenre, je prends, tu pense bien 😉

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      😉
      ce livre est un chant d’amour à la littérature de genre mais aussi, durant tout le récit, un cri d’amour aux bibliothèques et aux bibliothécaires. Vu que le récit est en partie autobiographique, en sens que ça vient du coeur de l’auteure.
      Merci à toi ma chère !

Rétroliens

  1. Morwenna | Le Bibliocosme
  2. Interview 2014 – Jo Walton – English version | EmOtionS – Blog littéraire et musical
  3. interview littéraire 2014 – Jo Walton | EmOtionS – Blog littéraire et musical
  4. Sorties 2014 – Récapitulatif des chroniques littéraires | EmOtionS – Blog littéraire et musical
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