Interview littéraire 2014 – Nicolas Zeimet

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Nicolas Zeimet a sorti Seuls les vautours cette année, rien de moins qu’une belle claque littéraire.

Un roman noir étonnant, une formidable réussite de la part de ce jeune auteur français. J’ose rapprocher ce récit de ceux que proposait Stephen King dans les années 80, tant sa description d’un trou paumé des Etats-Unis et la profondeur de ses personnages est bluffante. Des personnages avec leurs secrets et un passé qui plombe l’ambiance.

Hautement et très chaudement recommandé ! 

Ma chronique du roman

Question rituelle pour démarrer mes entretiens, pouvez-vous vous définir en trois mots, juste trois ?

Rêveur. Imaginatif. Passionné.

Parlez-nous un peu de ce roman, en utilisant vos propres mots ?

Quand je termine l’écriture d’un livre, je suis toujours confronté au même dilemme : impossible de le ranger dans une case, dans un genre. J’aime les thrillers et les romans policiers, évidemment, mais pour vous rejoindre, je dirais que ce que j’écris tient plus du « roman d’ambiance ». C’était le cas du premier, Déconnexion immédiate, c’est également valable pour Seuls les vautours.

L’intrigue s’ouvre sur la disparition d’une fillette de cinq ans dans un petit village de l’Utah, au milieu des années 80. Tous les habitants se mobilisent pour la retrouver, et tout en suivant la progression de l’enquête, on fait la connaissance d’une galerie de personnages qui vont se croiser, s’aimer, se déchirer, se mentir, se découvrir… Peu à peu, les événements vont faire remonter à la surface les secrets et les non-dits et chacun va révéler sa vraie nature.

Pourquoi avoir décidé de situer votre intrigue en 1985 ?

J’ai une nostalgie incurable pour les années 80. C’est la décennie dans laquelle j’ai grandi, et encore aujourd’hui, elle continue de m’inspirer. Les films, les livres et les séries que j’ai découverts étant gosse me fascinent toujours trente ans après !

Et puis, en choisissant de situer mon intrigue en 1985, je m’offrais le luxe d’une enquête « à l’ancienne », sans analyses ADN, sans téléphones portables, sans géolocalisation. J’avais envie de ça, de ne pas céder aux sirènes du tout technologique, du tout scientifique.

La description de ce coin reculé du pays de l’oncle Sam est criante de vérité (vu de la part d’un européen). Comment avez-vous procédé pour arriver à un tel résultat ?

En me rendant sur place. Je n’aurais jamais écrit Seuls les vautours si je n’avais pas entrepris un road-trip dans l’Ouest américain il y a 3 ans. Certains auteurs se déplacent pour leurs repérages, mais dans mon cas, c’est l’inverse qui s’est produit : je traversais un patelin paumé de l’Utah quand un panneau sur le bord de la route a attiré mon attention. Il indiquait la direction d’un endroit appelé « Devil’s Hole ». Mon imagination s’est aussitôt enflammée. Quelques jours tard plus tard naissait l’idée qui allait servir de point de départ à Seuls les vautours.

J’ai fait beaucoup de recherches sur la région des Four Corners pendant l’écriture du roman, sur les mormons, les Amérindiens… J’ai aussi eu la chance d’échanger avec une employée de la mairie de la petite ville de Boulder (Utah), qui m’a inspiré Duncan’s Creek. Mais je crois surtout que je baigne dans la culture américaine depuis toujours. Les livres de mes auteurs américains préférés sont pour beaucoup dans ma perception (très européenne, je l’admets) du sujet, tout comme mes nombreux séjours aux États-Unis, qui m’ont aidé à décrypter l’American way of life, si toutefois cela s’avère possible.

Ce qui frappe tout au long du roman, c’est l’extraordinaire profondeur des (nombreux) personnages. L’aspect psychologique et relationnel semble primordial dans une intrigue pour vous…

C’est primordial, en effet.

Mes personnages m’accompagnent pendant des mois, je vis avec eux, je dors avec eux, je les vois évoluer, parfois de manière assez inattendue. Les destins de Betty, d’Alice ou de Lamar n’étaient pas du tout définis au départ, et ce qui leur arrive (no spoiler) n’est que l’aboutissement d’une suite d’événements, de coïncidences, de rencontres… comme dans la vraie vie ! Je crois que c’est ce qui leur donne ce caractère si particulier, si vivant : ils sont profondément ancrés dans la réalité, ce sont de simples humains confrontés, pour certains, à des situations extraordinaires.

Je fonctionne beaucoup à l’instinct quand j’écris, et comme je suis un grand sensible, je ressens ce que ressentent mes personnages. C’est parfois très violent. Il y a d’ailleurs une part de vécu dans l’histoire de l’un d’entre eux. Mais comme je suis aussi un grand pudique, je me garderai de vous dire lequel…

C’est un roman tout en ambiance que vous nous proposez. Est-ce compliqué de créer une tension palpable lorsque l’on ne fait que suggérer ?

La suggestion est, à mon sens, préférable à l’explication. J’aime les fins ouvertes, les non-dits, les zones d’ombre. Je ne recherche pas l’effet à tout prix, je crois que la tension naît de la capacité du lecteur à s’identifier aux personnages, il faut donc lui laisser une certaine marge d’interprétation.

Quand on lit ce roman, on pense inévitablement à Stephen King (et c’est un sacré compliment dans ma bouche). Je crois savoir que c’est une influence majeure pour vous…

L’apport de Stephen King dans mon parcours a été capital. Je ne serais sans doute pas tombé dans la marmite de l’écriture si son roman Simetierre n’avait échoué entre mes mains alors que j’avais 10 ans.

Depuis, j’attends chaque nouvelle parution comme un gamin à qui on a promis une sortie au parc d’attraction. King a un pouvoir d’imagination, un art de l’observation et un génie de la narration qui ne cesseront jamais de m’impressionner. Il est et restera ma principale source d’inspiration, aussi longtemps que je continuerai d’écrire.

Votre premier roman (que je n’ai pas encore lu) semble sensiblement différent, je me trompe ?

Pas du tout. Alors que Seuls les vautours est un récit rural, nostalgique et solaire (malgré sa noirceur), Déconnexion immédiate était un roman crépusculaire et un brin futuriste.

Je suis très sensible à l’inspiration du moment. Quand je me lance dans un nouveau projet, je ne me dis pas «  Tiens, je vais écrire sur un serial-killer » ou « L’action de mon prochain roman se situera dans l’Utah ». Je fonctionne plutôt à l’envers : un décor, un article de presse, une situation vont m’inspirer, et de là naîtra une envie d’écrire. Ceci explique que d’un roman à l’autre, je peux traiter de sujets très différents.

A quoi doit-on s’attendre de votre part dans le futur ?

A faire la rencontre de nouveaux personnages. Mon troisième roman est terminé, il devrait paraître l’an prochain. Ce sera encore différent, plus urbain, plus introspectif. Moins dense. Avec aussi une nuance de taille dans la narration, mais je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant !

Ce blog est fait de mots et de sons. La musique prend-elle une part dans votre processus créatif ?

Une part très importante. J’écris le plus souvent en musique. J’ai besoin de m’enfermer dans ma bulle, et la musique m’y aide. Je me suis d’ailleurs créé quelques playlists pour me mettre dans l’ambiance des différentes scènes que j’avais à écrire : émotion, suspense, peur, action…

La plupart des morceaux sont issus de bandes-originales de films ou de séries. Pour Seuls les vautours, les BO de Lost, Inception et Super 8 m’ont notamment accompagné.

Vous avez le choix entre nous donner le mot de la fin ou votre dessert préféré…

Comme j’ai toujours du mal avec ce satané point final (480 pages…), je répondrai : le cheesecake (américain, of course…)

 



Catégories :Interviews littéraires

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13 réponses

  1. génial! entre ta chronique et maintenant l’interview, j’ai vraiment envie de me procurer ses romans, à ce jeune auteur!
    mais tu as oublié de lui parler du karma!!!!! 😀 😀

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Pour une deuxième interview alors ;-). Je suis content de te voir aussi enthousiaste !

  2. Ah Yvan!!! Intéressé je suis… Après avoir lu ta chronique, et l’interview de ce jeune auteur, je pense que les vautours ne vont pas tarder à venir se poser sur mon coin de rocher.
    En tout cas, grand merci pour les pistes que tu me donnes à suivre.
    Amicalement,

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Je t’ai déjà dit que ce roman est fait pour toi ? Ah oui je te l’ai déjà dit 😉

  3. Merde, wishlist+1 !! Il a l’air super le roman, déjà ta chronique et en plus l’auteur… allez, emballé c’est pesé ! 😉

  4. L'antre du bonheur – Booktubeuse, blogueuse, amoureuse des mots. Lectrice de romans en tout genres, de mangas et de bandes dessinées :)

    Tu m’avais déjà intriguée avec ta chronique mais là avec l’interview que je viens de lire, c’est sur qu’il faut que je découvre l’auteur 🙂

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Content de t’avoir convaincu (mais c’est surtout l’auteur qui a fait le boulot) 😉

  5. Après le billet, l’interview donne grave envie de plonger dans cette « ambiance »…

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      alors plonge, cher ManU, plonge 😉

  6. Mais c’est pas possible ça…je pars une semaine et quand je reviens te lire ma liste d’envie augmente! Je trouve cette interview très appétissante…elle me donne faim de découvrir cet auteur!

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Bienvenue à la maison 😉

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