Interview littéraire 2014 – Nicci French

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Fleuve Editions publie en mai 2014 le nouveau thriller des deux auteurs qui forment Nicci French. Troisième tome des aventures de Frieda Klein, psychanalyste qui se retrouve à enquêter sur des crimes un peu malgré elle. Titre du nouveau roman : Maudit mercredi, le jour où les jeunes filles rencontrent la mort.

Deux formidables auteurs so british et qui arrivent pourtant à renouveler le genre du thriller psychologique. Indispensable !

Merci à Nicci Gerrard et Sean French pour avoir si gentiment et si rapidement répondu à mon invitation.

Un immense merci également à Julie qui a participé activement à cet entretien en tant que traductrice de mes questions et des réponses des auteurs.

Le blog de Julie : Evasion Julivresques

Question rituelle pour démarrer mes entretiens, pouvez-vous vous définir en trois mots, juste trois ? (trois mots chacun, dans votre cas)

Sean : distrait, craintif, curieux

Nicci : petite, impatiente, insomniaque

L’écriture à deux est assez inhabituelle. Comment procédez-vous, quelle est votre méthode de travail ? Quels sont les avantages à travailler à deux sur une même histoire ?

Notre méthode de travail principale est de parler ensemble, planifier ensemble, chercher ensemble, mais nous n’avons jamais écrit ensemble. Parce que même en collaboration, mettre des mots sur une page reste une activité solitaire, privée. Lorsque l’un d’entre nous a écrit un chapitre, il l’envoie à l’autre qui peut réécrire, modifier, couper, laisser tel quel, et ensuite reprendre le flambeau. Puis, quand le livre est entièrement terminé, nous révisons l’ensemble du livre, l’un après l’autre.

C’est avantageux d’être deux personnes travaillant sur une histoire, tout comme c’est utile d’être deux personnes travaillant ensemble à la construction d’une machine. Plus important encore, nous avons le sentiment que lorsque nous collaborons, nous nous libérons pour écrire d’une manière que nous n’avons pas – ou ne pouvons pas avoir – individuellement. (Séparément , nous sommes des écrivains très différents).

On pourrait appliquer une expression à ce phénomène : la ‘folie à deux’, dans laquelle deux personnes se stimulent l’une l’autre à commettre des crimes beaucoup plus graves que chacune seule. Nous sommes exactement comme ça, sauf qu’il s’agit de livres plutôt que de crimes .

Votre personnage principal est souvent une femme forte et complexe. Pourquoi ce choix ?

Une fois que nous sommes devenus l’auteur “Nicci French”, nous avons remarqué qu’elle a développé certaines obsessions, dont l’une était l’idée de raconter des histoires avec des femmes en leur centre.

Nous nous sommes intéressés à un paradoxe. Les femmes modernes ont atteint un certain degré d’indépendance, de pouvoir, d’égalité, et pourtant elles sont toujours vulnérables. En fait, on peut soutenir l’idée que le progrès des femmes a inspiré une certaine animosité.

Nous avons remarqué que si vous mettez une femme au centre d’un livre, vous obtenez un autre type de thriller, peut-être plus fondé sur la psychologie (et moins sur la technologie).

Vous semblez privilégier l’épaisseur psychologique des personnages et de l’intrigue dans vos romans…

Nous aimons les gens avec une épaisseur psychologique, nous aimons les livres sur des personnages avec une épaisseur psychologique, pourquoi ne voudrions-nous pas d’épaisseur psychologique ?

Les meilleurs thrillers – ceux de Simenon en sont un exemple – nous ont toujours donné un regard sur les profondeurs de la psyché humaine. La partie « polar » d’un thriller est toujours importante, mais sans profondeur psychologique, sans sentiment d’appartenance et sans atmosphère, il est juste ennuyeux.

Vous vous êtes lancé dans l’écriture d’une série de huit romans avec le même personnage, Frieda Klein. Pourquoi le choix d’une psychanalyste comme personnage principal ?

Parfois, nous pensons que Frieda nous a choisi, plutôt que l’inverse. Dès que nous avons pensé à elle – une femme compliquée, mystérieuse, qui croit que les véritables terreurs sont en nous – nous savions que nous devions écrire à son sujet et qu’un seul roman ne suffirait pas.

Et plus nous y pensions, plus il devenait clair qu’une psychanalyste est une sorte de détective. La névrose est une sorte de scène de crime où le psychanalyste cherche des indices. Frieda ne veut pas être une détective, mais elle est maudite par son don pour l’être.

Le personnage de Frieda Klein est particulièrement travaillé. Par son métier de psychanalyste, elle perce les secrets des autres, mais a elle aussi de nombreux secrets…

Bien sûr, nous avons tous des secrets ! Mais Frieda a un tel sens des secrets des autres, elle en connaît tellement, qu’elle est particulièrement protectrice des siens.

Il y a une tendance moderne à exposer tous nos secrets, à se proclamer victime, et Frieda se méfie de ça. Elle ne veut pas se plaindre et ne veut pas être comprise.

Londres est un personnage à part entière dans cette série. La ville est ses habitants y prennent une place importante…

Nous avons été clairs depuis le début, c’est une série avec deux personnages principaux : Frieda Klein et Londres. Parmi beaucoup d’autres choses, Londres est une ville à l’image de l’imagination de Frieda : elle est insondable, vaste, pleine de secrets, de rivières cachées, sans cesse détruite, reconstruite et à nouveau détruite.

Chaque livre se déroule à l’époque où nous l’écrivons. Par conséquent, certains des emplacements des premiers livres sont déjà partis, détruits, reconstruits.

Avez-vous déjà en tête une vue globale de l’évolution du personnage, Frieda Klein, et des futures intrigues de la série ?

Il est important pour nous que chacun des livres puisse être lu séparément, comme un thriller à part entière. Mais il y a un fil conducteur à travers les huit livres qui forment une grande histoire. Et les personnages vont évoluer et se modifier au fil des années. Du moins ceux qui survivront !

Pouvez-vous nous parler en quelques mots de ce nouveau roman « Maudit mercredi », qui sort en mai en France ?

Frieda ne veut pas être une détective. Elle veut revenir à la sécurité et la confidentialité de son cabinet de consultation. Après ‘Sombre mardi’ (Tuesday Gone), elle semble avoir été chassée de la police. Mais dans ‘Maudit mercredi‘ (Waiting for Wednesday), tout à fait contre son gré, les circonstances la conduisent à participer à deux enquêtes bien distinctes. Avec de bonnes et de mauvaises conséquences .

Vous avez visité plusieurs fois la France dans le cadre de dédicaces (et, Nicci Gerrard, vous parlez plutôt bien le français). Sentez-vous une différence entre le public de lecteurs français et le public anglais ?

Une question compliquée ! Une réponse simple est que les lecteurs français et britanniques abordent la criminalité à travers des traditions bien distinctes.

En Grande-Bretagne, la tradition du crime évoque Dickens, Wilkie Collins, Agatha Christie. En France, on pourrait penser à Balzac (« derrière chaque grande fortune il y a un crime »), Simenon, et les grands films policiers avec des acteurs comme Yves Montand et Jean Gabin.

Ce blog est fait de mots et de sons. La musique prend-elle une part dans votre processus créatif ?

Oui, de nombreuses façons différentes. Certaines personnes ont remarqué que les titres anglais de nos livres sont choisis non seulement selon des jours de la semaine, mais aussi d’après des chansons*.

Nous écoutons tous les deux énormément de musique, et il est difficile de ne pas imaginer une bande originale pour le Londres de Frieda, une combinaison de Miles Davis, de Joni Mitchell, des Kinks, de punk rock, des Small Faces, de Joy Division, et de beaucoup, beaucoup d’autres…

* Note de la traductrice : ‘Blue Monday’ est une chanson de New Order, ‘Tuesday Gone’ une chanson de Lynyrd Skynyrd, et ‘Waiting for Wednesday’ une chanson de Lisa Loeb.

Vous avez le choix entre nous donner le mot de la fin ou votre dessert préféré…

Sean : C’est facile ! Mon dessert préféré je le mange chaque été, quand nous allons en Suède (je suis à moitié suédois). Des fraises et des myrtilles sauvages de la forêt, saupoudrées avec de la crème. Et accompagnées d’un verre de Sauternes.

Nicci : C’est difficile – mais je pense que j’aimerais avoir une sélection de fromages : un fromage au lait de brebis, un chèvre, un bleu crémeux, avec de très minces biscuits maison aux graines de pavot. Et un bon vin rouge.



Catégories :Interviews littéraires

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21 réponses

  1. Hé be ils sont généreux ces anglais 😊
    Je n’ai pas lu grand chose de Nicci French mais J’ai un excellent souvenir de Feu de glace qui avait même été adapté au cinéma.
    J’ai hâte de lire ta chronique du coup, vu que tu me perturbes en faisant les choses à l’envers !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Désolé 😉 je suis en pleine lecture mais juste au début. Je ne pensais vraiment pas que des auteurs aussi demandés allaient me répondre aussi vite ;-). Ils sont forts ces anglais

  2. Coucou ^^ Leurs livres m’ont souvent shooté dans le cul et emporté assez loin dans l’histoire, je n’étais plus là, mais dans le livre. Mon tout premier, c’était avec la femme qui quittait son mari pour vivre une folle passion avec un alpiniste. Très psychologique.

    La cover me plait bien et il me semble que tu avais bien aimé « sombres mardis », non ???

    Ok, j’ai compris, je note, je note !! 😀 Merci, Yvan, pour ce bel interview ! Rien ne t’arrêtera plus, toi 😉

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      j’avais beaucoup aimé le Lundi et adoré le Mardi. Je suis en train de lire le Mercredi pour t’en dire des nouvelles
      J’aime beaucoup ces auteurs, romans tout en atmosphère, et vraiment intelligents
      Tu veux que je m’arrête ? c’est toi qui décide !

      • QUOI ?? Il existe le lundi aussi ?? Mince, je suis vraiment pas sortie de l’auberge, moi ! *effroi*

        On doit être loin des premiers romans, alors… les auteurs ont dû évoluer depuis leur première fois… je parle d’écriture.

        Ok, je note les deux premiers pour le format poche… oui, Yvan, sois un gentil garçon, arrêtes !!!!!!! 😀

        • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

          Oui ils sont en poche les deux premiers, tu as même les chroniques sur mon blog 😉
          OK, je t’écoute, je ferme boutique définitivement…

          • Merci, Yvan, tu me soulages grandement le portefeuille… mais pas mes étagères !!! Grrrrrr !!!! 😀

            • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

              Adieu alors, ça a été un plaisir de te connaitre

              • Ce n’est qu’un au revoir !! Tu n’as pas fini de m’avoir dans les pattes. Hahahahaha, je vais continuer à pourrir tes bas de pages ! Tremblez, pauvre mortel 👿

                Oui, je pense que j’ai besoin d’un café de toute urgence… à tchao, bon dimanche. Tu peux éteindre la télé et reprendre une activité normale 😉

                • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

                  vous ne pouvez pas rester ici, Madame. Cet établissement est fermé

                  • Mais je suis déjà dehors !!! le trottoir vous appartient aussi, monsieur ??

                    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

                      Le pas de porte faisait partie de l’établissement en effet. Vous souhaitez louer l’endroit ?

                    • oui, je veux bien ! Vous allez voir, monsieur, je vais vous amener des tas de clients J’enfile mes talons aiguilles et je leur propose à tous un truc avec les deux mains et la langue… ça va cartonner !!

                      Comme mac, vous prenez combien ? 😆

                    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

                      ce qui se passe devant chez moi ne me concerne pas (surtout si ça ramène du monde) 😉

                    • Ouf, tu ne prends pas de grosse commission !!! 😀

  3. je trouve que les intrigues de « lundi » et « mardi » sont intéressantes quoi que sensiblement semblables. L’architecture des deux histoires est identique et donc décevante. Je m’apprête à commencer ce fameux « mercredi » avec un espoir de changement.
    Toutefois cela reste très bien écrit, avec des personnages attachants.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Tiens coucou toi 😉
      Oui, elles se ressemblent sans doute (mais avec un recul d’un an à chaque fois, ça ne m’a pas dérangé).
      Mais j’aime tellement cette ambiance so british !

      • j’ai enfin trouvé 2 mn pour lire l’interview….pppfff depuis le temps ! j’aime aussi cette atmosphère ! le fait de les lire d’affilée est forcément différent ! tu devrais être plus patient .-)
        Bon week end ! à tout bientôt

        • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

          tu peux même me dire bonnes vacances 😉
          Patient ? je ne connais pas le sens de ce mot 😉
          Bon WE !

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