Interview de libraire : Stéphanie Hérisson Delattre / Librairie Egrevilloise

65602_10200849106005712_878014194_nLe monde de l’édition est en pleine mutation (doux euphémisme). La crise rend difficile le travail des libraires indépendants, jusqu’à poser un voile de doute sur leur avenir.

Pourtant les librairies indépendantes ont tant à apporter à leurs clients !

Je débute une série d’entretiens avec des libraires indépendants, pour parler du métier, de son évolution, de leur passion, de leurs doutes et des solutions qu’ils envisagent pour tenir la barre.

Premier entretien avec une libraire tenant une petite librairie que je ne connaissais pas avant d’en entendre parler (en bien) sur le net.

Un bel échange et une petite goutte d’eau pour ne pas laisser s’assécher ce beau métier.

Merci à Stéphanie Hérisson Delattre pour avoir joliment joué le jeu.

L’entretien :

Quelques mots pour présenter votre librairie aux lecteurs…

Ma librairie est située dans un village rural de 2 300 habitants. Je suis devenue libraire « pure » depuis fin 2010. Jusqu’à cette date, c’était une maison de presse. Cette activité m’a été retirée car je n’arrivais plus à assumer mes créances. Plutôt que de baisser le rideau comme bon nombre de mes confrères j’ai orienté mon activité sur le livre. Pari un peu fou dans une commune comme la mienne, mais malgré les difficultés, j’ai envie d’y croire.

Pouvez-vous nous décrire la journée type d’un libraire (si une journée type existe) ?

Dans mon cas, pas de journée type. Chaque jour est différent, en fonction du nombre de clients, des visites amicales, des livraisons. J’ai le train de vie d’un commerce de campagne !

Quel est l’avantage, selon vous, d’acheter chez un libraire indépendant ?

Tout simplement son conseil.

 Comment vivez-vous la crise actuelle au travers de votre profession ?

Très difficilement. Chaque mois la question se pose de savoir si ça vaut le coup de continuer. Chaque appel de la banque, chaque journée calme, chaque facture…. nous font douter de la nécessité de rester, ou pas.

 Le métier est-il en train de changer ? Quelles sont, selon vous, les clés pour continuer à avancer ?

Le métier change car la société change. Moins de lecteur en général et ceux qui lisent encore vont de plus en plus vers le numérique. La seule façon de résister c’est de proposer des animations autour du livre (dédicaces, lecture, café littéraire…) et de favoriser les « petits » ; maisons d’éditions, auteurs peu connus mais tout aussi talentueux. Ce qui est à la base le travail d’un libraire.

Ce blog parle en bonne partie de polars et de thrillers, pouvez-vous nous parler de vos derniers coups de cœur en la matière ?

Mon dernier gros coup de cœur est pour « un long moment de silence » de Paul Colize.

Je conseille aussi la série de l’Embaumeur, je viens de terminer « Harpicide » de Michel Vigneron. Un très bon moment de lecture !

Ne me demandez pas de chroniquer mes lectures. Je suis assez douée pour les vendre mais une chronique ne se résume pas à crier « c’est génialissime » de vrais chroniqueurs le font à merveille ! Chacun son job !

La vente en ligne est-elle amenée à se développer dans votre activité ?

Oui, et surtout grâce aux réseaux sociaux comme Facebook. Il y a une relation de confiance qui doit s’installer entre un libraire et son client. Un lecteur choisit son libraire par amitié, à l’heure d’internet c’est notre capital sympathie qui peut nous différencier. Des internautes préfèrent commander chez moi, avec des frais de port, sachant que la livraison sera peut-être plus longue que sur un site marchand. Et je les remercie !

Quelle est votre position par rapport au numérique ?

Attendre et voir. Je n’ai pas peur du numérique, même si c’est toujours frustrant d’entendre de très bons lecteurs dire qu’ils ne lisent plus que sur tablette. Il faut savoir vivre avec son temps. Aux libraires de trouver la solution pour évoluer avec. Mais à quoi ressemblerait un salon du livre….sans livres ? Les auteurs signeraient sur tablette ?

Le mot de la fin ?

Tout d’abord merci pour votre intérêt ! Le mot de la fin sera un statut Facebook que j’avais posté il y a quelques semaines

« Je suis la première à déplorer les achats sur le net. Mais plutôt que de tirer sur l’ambulance, faisons notre boulot comme il se doit et peut-être arriverons-nous à nous en sortir. Les libraires, sûrs de leur mainmise, grâce au prix unique du livre ont oublié leur rôle de commerçant. Beaucoup se sont sabordés tout seul. Le livre doit vivre, n’attendons pas le lecteur derrière notre caisse, autant fermer boutique. »

Librairie Egrevilloise

11 rue Saint Martin

77620 Egreville

Site internet

Page Facebook



Catégories :Interviews de libraires

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18 réponses

  1. Bravo Stéphanie, t’es la meilleure !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      ah, un vrai fan ;-). Preuve que Stéphanie fait admirablement bien son travail !

  2. Black Kat – Ni O-, ni A- ... juste mon sang artistique, passionnément livresque...

    Une entrevue réaliste tout en sobriété! Et j’ai envie de dire que comme on entretient un rapport quasi affectif avec nos livres-papier, on vit souvent une belle amitié née de cette passion de la lecture avec notre libraire… C’est tellement agréable d’entrer dans sa librairie et d’entendre « Tiens, je viens de recevoir tel ou tel titre qui pourrait te plaire! » Tu le sais, je suis pour les librairies indépendantes et j’espère qu’elles arriveront à s’en sortir car c’est un merveilleux lien social et culturel…

  3. Acheter chez un libraire indépendant, quel avantage? Stéphanie répond « son conseil tout simplement ». C’est excellent et insuffisant. Un bon lecteur cultivé peut ne pas avoir besoin de conseil dans ses choix personnels d’investigations littéraires. Il peut aussi avoir horreur de cela. Mais ce qui me parait essentiel pour le ou la libraire, c’est qu’il ou qu’elle pose un lien humain entre l’auteur du livre , l’éditeur, le lecteur. C’est le premier trait d’union entre la création de l’oeuvre et sa visibilité au public. Cela mérite des mots, un échange. Un livre est un partage, Sauter le maillon du libraire et et commander par le Net, est enlever de la sève au livre, c’est assécher l’écriture. Nous savons tous qu’après la disparition des libraires, il n’y aura plus d’espace pour les nouveaux écrivains, écrabouillés sur les autoroutes des grands groupes financiers qui éditeront des standards productifs, et puis des merdes qui leur feront fortunes, et quelques alibis culturels, pour signifier/ « Voyez, nous sommes une grande maison d’édition ».

  4. En tant qu’éditeur, c’est un réel plaisir de rencontrer une libraire passionnée comme Stéphanie. Elle prend le temps de nous écouter, de lire nos éditions et de les conseiller à ses clients en fonction de leurs goûts. De plus, Stéphanie n’hésite pas à inviter des auteurs méconnus en dédicace et dans le salon du livre qu’elle organise magistralement chaque année. Les ventes s’en ressentent car ma maison d’édition vend beaucoup plus chez les libraires indépendants que par les grands groupes.

  5. un combat difficile que celui des libraires…Ils ne doivent pas disparaitre! On ne vit pas toujours une époque formidable …

  6. C’est le côté humain le plus important, comme quand je rentrais chez mon bouquiniste et qu’il me sortait de dessous de son comptoir un Sherlock Holmes qu’il pensait que je n’avais pas… Les conseils, ils sont bons à prendre, mais les goûts et les couleurs ne se discutant pas, le libraire peut avoir adoré le livre et moi pas.

    Que les petits commerçants continue et que les clients aillent chez eux avant qu’il ne soit trop tard et qu’ils ne pleurent parce que la grande surface commerciale ne leur est d’aucun secours en matière de service, de chaleur humaine et de serviabilité.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Si même la fine fleur de la Belgique le dit ;-).
      Merci pour ton message fort sur la question !

  7. Très bonne idée ! je crois qu’un bon libraire ce n’est pas seulement un conseil mais de véritables échanges aussi bien avec le libraire qu’avec d’autres lecteurs, des découvertes, des inattendus et puis quel plaisir de toucher les livres, de les voir, les sentir, caresser leur couverture, parcourir les pages, quelle librairie en ligne permet cela ?!!!
    La remarque sur les salons du livre est très juste. Je crois dans le livre-papier, un papier à part le feu, il ne peut être détruit tandis qu’une tablette, qu’elle est sa durée de vie ? que se passera-t-il si une tablette n’est pas allumée pendant 5/10/15/20/100 ans ? on ne pourra jamais avoir accès à son contenu, tandis qu’un livre, même fermé pendant 100 ans, sera toujours lisible.
    Vive les vraies librairies !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Coucou Zonia et merci pour ton avis sur la question.
      Un sujet brûlant, dont il faut parler, à mon sens

  8. Quelle bonne idée cette petite interview d’un libraire, surtout passionné!! 🙂
    Mais je rêve d’un monde où on ne fera plus la différence entre libraire indépendant et libraire de grande chaîne! On est tous dans le même bateau et tous liés par la même passion!

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      L’essentiel est en effet de faire ce métier avec passion et par juste pour vendre, petit ou grand !
      Merci pour le sympathique message 😉

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