Entretien littéraire 2013 – Jimmy Gallier / Editions Jigal

JIM(300x400x300)« C’est la crise ma ptite dame, on peut rien y faire… »

Après le grand plaisir que j’ai à vous faire partager des entretiens avec les auteurs, je lance également ma petite collection d’entretiens avec des éditeurs et des libraires.

Ma petite goutte d’eau à moi pour soutenir ces métiers et un moyen passionnant de découvrir ces autres acteurs de la profession.

 Pour commencer, place à Jimmy Gallier, responsable de la maison d’édition Jigal. Un grand merci pour ce formidable entretien.

 1. Quelques mots pour présenter votre maison d’édition aux lecteurs…

 Les ÉDITIONS JIGAL existent depuis plus de 20 ans et la collection Jigal Polar a été créée il y a 15 ans.

Nous sommes éditeur indépendant, nous sommes également des défricheurs de talents…

La plupart des romans que nous avons édités étaient des premiers romans.

Ils provenaient de France, d’Algérie, du Maroc, du Gabon… Peu importe pourvu que le coup de coeur et le talent soient au rendez-vous!

Nous avons de nombreux auteurs au catalogue – et non des moindres –  qui sont aujourd’hui très présents dans le paysage du polar hexagonal.

Nos romans sont très souvent nominés un peu partout (Prix Michel Lebrun, Prix Inter CE, Prix Continental, Prix Ancres Noires…)

et nous avons également reçu de nombreux Prix (Prix SNCF du Polar 2011, Prix du Premier Roman Policier 2011, Prix Sang d’Encre des Lycéens, Prix Virtuel du Polar, Prix du Zinc, Grand Prix de Littérature Policière Aubusson, Grand Prix Littéraire de Provence, Prix du Meilleur Roman Gabonais 2010, Prix du Festival de Nyons…) qui ont récompensé nos choix, notre ligne éditoriale et notre travail.

 2. Et si vous deviez définir en quelques mots votre ligne éditoriale ?

 C’est quoi un bon roman, un bon polar ?

Avant d’être éditeur, c’est le lecteur qui a envie de vous répondre…

Un bon roman, c’est celui qui vous emmène, vous distrait, vous apprend, vous questionne, vous séduit, vous enrichit, vous fait vibrer…

Bref, c’est celui qui vous retient jusqu’au bout de la nuit.

Et c’est celui que nous cherchons en permanence…

 3. Pouvez-vous nous présenter vos dernières publications ?

 Il y a plusieurs auteurs et plusieurs romans que nous défendons actuellement avec vigueur, parce que nous avons la conviction que ce sont des romans et/ou des auteurs qui ont des « choses » à dire et qui le disent bien…!

 – Il y a « Beso de la muerte » de Gilles Vincent, un roman qui vient de frôler le Prix Landerneau Polar,

Un roman d’un auteur qui effectue un travail remarquable, sensible et accrocheur.

Son nouveau titre « Djebel » qui vient de sortir est une fois encore dans cette lignée. Du grand art.

 – Pascal Thiriet et son roman déjanté « J’ai fait comme elle a dit ».

Une sorte de road movie, totalement allumé, mais avec un sacré style…

On dit de lui que c’est « Marguerite Duras rencontrant le héros de BD, Rank Xeros à Disneyland…»  

J’adore…

 – Maurice Gouiran, dont nous publions le 22ème roman « Mais délivrez-nous du mal »

Maurice Gouiran adore l’Histoire avec un grand H. Chacun de ses romans va y puiser sa source, et gratter là où ça fait mal…

C’est un auteur engagé, sans concession, qui écrit une littérature populaire citoyenne, enrichissante et qui réveille les consciences…

 – Jacques-Olivier Bosco et ses romans à 200 à l’heure, comme le nouveau « Et la mort se lèvera»

Des histoires de voyous, des histoires de mafia, des histoires d’hommes écrites avec punch et brutalité.

On dit de lui  qu’il y a du « James Hadley Chase dans ses bouquins »… le même rythme, la même férocité…

Tous ses lecteurs rêvent de voir ses romans sur grand écran…

 – Janis Otsiemi, un romancier gabonais, qui est en train de devenir le roi du polar africain. Son dernier roman « Le chasseur de lucioles ».

Ses polars sentent la sueur, le shit et le sang chaud des ghettos. Certains le comparent à « Chester Himes pour sa rugosité, son style sec et corrosif…»

Et puis il y a ses mots, sa langue… inimitable et contagieuse… Libé dit de lui qu’il « fait des bébés à la langue française…»

 – Le juge André Fortin, dont le dernier roman « Restez dans l’ombre » est nominé pour le Grand Prix de Littérature Policière 2013.

Avec lui, on est dans la finesse, dans la suggestion, dans la littérature…

Ex juge, ex président du tribunal de Marseille, il connaît tous les rouages de la machine, toutes les affaires… Et nous les dévoile avec gourmandise…

 – Philippe Georget, qui avec son premier roman a reçu le Prix SNCF du Polar, c’était pour « L’été tous les chats s’ennuient »

Un roman qui depuis est sorti chez Pocket, puis en Italie et sortira prochainement en Angleterre, en Allemagne et aux USA.

Depuis il a écrit 2 autres très beaux romans, « Le paradoxe du cerf-volant» et « Les violents de l’automne »

 – Olivier Maurel, et son premier roman « L’autel des naufragés ». Un auteur très atypique puisque après avoir été directeur de la centrale de Poissy, il est actuellement Sous-Préfet. Et c’est une première…

 4. Sur quels critères vous basez-vous pour choisir les manuscrits à publier ?

 Le plaisir…

Le plaisir d’abord… celui du lecteur, comme je le disais plus haut.

Une intrigue qui tienne la route, un style fort et personnel, des personnages accrocheurs, un auteur qui a quelque chose à partager…

Bref de la qualité et du talent singulier…!

Il faut que l’on retrouve au moins un de ces critères à la lecture d’un manuscrit, cette étincelle qui va nous donner l’envie d’aller plus loin, de nous mobiliser et de mettre en marche le tam tam…

Le but n’est ni d’écrire un roman, ni de le publier  mais plutôt de le faire lire – et si possible apprécier – aux plus grands nombres de lecteurs… Ne les oublions donc pas…!

Et puis, il paraît beaucoup de romans depuis quelques années, les libraires, la presse, les journalistes en sont inondés…

Il nous faut donc être identifiable au milieu de cet océan de livres et proposer des romans de qualité dont le lecteur pourra dire… « C’est du Jigal Polar, je prends…»

5. Vous fixez-vous de ne publier que des romans francophones ou prévoyez-vous de proposer régulièrement des romans étrangers également ?

 Nous n’avons à ce jour pas effectué de traductions. Mais par contre nous avons publié plusieurs romans étrangers francophones, comme celui d’Adlène Meddi, d’Algérie, de Pierre Boussel du Maroc, et plusieurs titres de Janis Otsiemi qui est en train de devenir le roi du polar africain.

Par contre nous exportons dès que possible nos romans, comme ceux de Philippe Georget, déjà sortis en Italie l’année dernière, et qui seront publiés cet été en Angleterre et aux Usa, et l’année prochaine en Allemagne…

Il y a déjà fort à faire et du pain sur la planche avec les romans francophones, mais nous n’avons pas d’interdits…

Nous sommes ouverts à la lecture, à la rencontre, à un roman, au talent, à une histoire, à un style… – et c’est aussi ça le métier d’éditeur, être à la recherche –

 6. Comment vivez-vous la crise actuelle au travers de votre profession ?

 Pas facile de vendre des livres en ce moment… Le circuit libraire souffre, les éditeurs souffrent…

Il nous faut donc resserrer les boulons et optimiser nos parutions. Mais nous avons beaucoup de chance, en ayant autour de nous des auteurs de talent qui nous proposent d’excellents romans…

Il ne nous reste qu’à les faire connaître… C’est ce que nous faisons tous les jours, et avec enthousiasme…!

 7. Quelles sont, selon vous, les clés pour qu’un éditeur indépendant puisse survivre ?

 La clé pour qu’un éditeur indépendant puisse survivre ? Être dingue… 😉

Être éditeur indépendant, c’est faire un travail de paysans, de moines, de fourmis, de titans… et de passionnés!

Trouver de bons auteurs n’est déjà pas simple, faire exister et perdurer une société d’édition indépendante non plus.

Il faut être bon et efficace à tous les étages… et le faire savoir et partager…!

 8. Quelle est votre position par rapport au numérique ? 

 Notre position n’est pour l’instant ni fermée, ni définitive. Mais plutôt à l’écoute de ce qui se passe actuellement et se construit.

Pour l’instant, en France, les choses ne semblent pas encore être arrivées à maturité.

Alors, il nous faut nous y préparer, on ne passera pas à côté… et on s’adaptera bien sûr.

Et il faut trouver un modèle qui satisfasse tout le monde, auteurs, éditeurs et libraires entre autres.

Quoiqu’il en soit, à chaque apparition d’un nouveau support, la peur est là…

Mais il n’est pas pour autant certain que le livre tel que nous le pratiquons aujourd’hui – en papier – soit au terme de sa carrière.

Il y a encore de nombreux fans, pour qui la lecture d’un roman, est intimement liée au papier…

9. Estimez-vous que les blogs peuvent avoir un réel rôle à jouer dans l’évolution du monde de l’édition ?

 Et c’est un responsable de blog qui me pose la question? 😉

Ma réponse est nette et claire : oui.

Il y a quelques années, une certaine presse, la presse quotidienne régionale par exemple, avait un rôle certain.

Il y avait en son sein, de vrais critiques littéraires, des pages dédiées aux chroniques de livres, etc…

Aujourd’hui tout cela – à de rares exceptions près…– a pratiquement disparu.

Et puis les blogs sont arrivés, et je pense, oui, qu’ils ont pris et investi ce rôle, et en le démultipliant, comme seul l’internet est capable de le faire.

Même si nombre de lecteurs vont encore acheter leurs romans chez leurs libraires préférés – et pourvu que cela dure longtemps – ils sont aussi de plus en plus nombreux à le faire après avoir suivi les conseils de lecture sur les blogs.

L’information est essentielle. Pour qu’un roman, un polar soit lu, il faut d’abord que le public sache qu’il existe…

Et là, les blogs qui réunissent des communautés de goût et d’intérêt jouent en ce moment un rôle évident.

Mais la concurrence est rude, il va leur falloir faire preuve d’originalité, de singularité et si j’ose dire, de professionnalisme.

Il y aura peut-être là un problème puisqu’au départ tous ces blogs sont le fait d’amateurs éclairés. Et ce qui fait tout leur intérêt.

10. Le mot de la fin ?

 Le mot de la fin sera pour les lecteurs…

N’oubliez surtout pas de lire…

Soyez curieux, ne vous contentez pas de lire les blockbusters et les têtes de gondoles…

Il y a beaucoup de bons romans, il y a en a pour tout le monde et pour tous les goûts…

Creusez, fouillez, allez voir du côté des indépendants,

Et consultez les blogs pour dénicher la perle qui vous fera passer une nuit blanche avec plaisir et/ou frissons.



Catégories :Interviews d'éditeurs, Littérature

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13 réponses

  1. Gruz, je vais te fuir !! Voilà qu’à cause de toi, je viens de découvrir une maison d’édition que je ne connaissais pas du tout… shame on me, je suis souvent avec des livres des grosses maisons bien connues de tout le monde. Et bien, ma résolution de cette année vient d’être trouvée, je vais me pencher sur les petites maisons qui publient des auteurs moins connus.

    Là, c’est clair, ton interviewé vient de me faire EXPLOSER ma wishlist avec les titres qu’il a cité. Un bon business man ! Faudra que je vérifie si la FN** les vend et si mes bouquinistes préférés les ont en rayon, en cas de non dispo au grand magasin…

    En tout cas, son interview était instructif, agréable à lire, m’a donné envie d’en savoir plus sur ses auteurs, la maison d’édition et je le remercie pour le compliment qu’il adresse aux blogueurs. Beaucoup ne prenait pas au sérieux, au départ (ok, il y avait des blogueurs qui parlaient de leur vie… et peu de littérature).

    Merci, Gruz, pour le futur trou au porte-monnaie et l’affaissement des murs suite à des bibliothèques trop lourdes…

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Eh bien me voilà comblé par ton message ;-).
      C’est le but de cette interview et le message justement que je voulais faire passer (moi aussi je vais zieuter vers les maisons d’édition indépendantes).
      Je continuerai donc sur cette lancée puisque tu le demandes avec une telle insistance 😉

      • Vas-y, je ne suis plus à ça près. Mon employé de banque veut bien que je le braque, en plus. Faut juste que je foute ma cagoule.

        Il y a tellement de petites maisons à découvrir…. l’inconvénient, c’est que en Belgique, des vendeurs de livres indépendants, on n’en voit pas autant qu’en France, chez nous, le libraire du coin (celui qui vend les journaux, les magazines, les boissons, les bonbons, le Lotto, les cigarettes, les cartes de téléphone,…) a peu de livres de poches, généralement les têtes de gondoles parce qu’il n’en vend pas des masses (hormis dans les gare, dans les Relay, ils en ont plus).

        Donc, où tu achètes chez FN** et chez Cl*b, ou tu fais les bouquinistes (qui ont souvent des nouveaux livres à moitié prix. Tombes du camion ?) ou tu te tapes la gare (enfin, tu te tapes son libraire, façon de parler).

        Continue sur ta lancée, moi, je vais mettre à jour mon carnet de livres à acheter, à cause de toi, il augmente de plus en plus.

        Gruz, tu es le viagra de ma Wishlist !

  2. Ah je reconnais bien là toute la passion de notre ami Jimmy que j’ai la chance de connaitre depuis trois ans ! Outre le fait d’être un découvreur de talents, c’est aussi quelqu’un qui a beaucoup d’humour et qui aime la dérision. Dieu sait comme il en faut dans ce métier ! Bravo encore à ce sacré bonhomme que j’espère bien un jour avoir l’occasion de rencontrer pour lui serrer la paluche !

  3. Super Jimmy à la fois passionné et réaliste par rapport à la situation actuelle. Jimmy est un super découvreur de talents et publie de sacrés bons polars ! Amitiés

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Pierre et la petite souris, je me doutais bien que cette interview serait à votre goût 🙂

  4. Bravo pour la cause en tout cas. J’aime ton engagement passionné et passionnant .

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  1. Récapitulatif des interviews – Février / Juin 2013 |
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