Et quelle incursion dans cet univers noir ! Les deux romans parus (Blue Jay Way et tout dernièrement Ta mort sera la mienne) sont étonnants et ambitieux.
Des romans qui sortent du lot, par leur ton, leurs histoires dérangeantes et surtout grâce à la plume assez unique de l’auteur. Une plume qui ne laisse clairement pas indifférent.
Merci à Fabrice pour ce très bel entretien. Il y montre, à mon sens, toute la force de sa personnalité.
L’entretien :
1. Question rituelle pour démarrer mes entretiens, pouvez-vous vous définir en trois mots, juste trois.
Curieux. Tenace. Émerveillé.
2. Vos deux derniers romans parus chez Sonatine se déroulent aux États-Unis, pourquoi ce choix ?
Le troisième s’y déroulera aussi. La psycho-géographie de ce territoire m’intéresse particulièrement. Je considère chaque pays comme un être vivant, une méta-créature dotée d’un physique particulier, d’un inconscient, d’une mémoire, de névroses, etc. qu’il me revient d’ausculter, de questionner. A cet égard, les États-Unis sont un sujet d’études à nul autre pareil : d’Elvis Presley à Lost Highway, de Sur la route aux tueurs en série, ils génèrent du mythe en permanence.
3. Votre nouveau roman, Ta mort sera la mienne vient de sortir, pouvez-vous nous en parler un peu avec vos propres mots ?
Il s’agit d’un roman un peu mystique : comment l’homme s’accommode-t-il du monde, comment y trouve-t-il sa place ? Bien sûr, ce n’est pas forcément ce que les lecteurs y verront.
A première vue, c’est l’histoire d’un tueur de masse, de son parcours – une réponse à l’indicible. Un homme se coupe du monde, en apparence, mais ce n’est pas nécessairement ainsi que lui voit les choses.
4. La construction de ce roman est étonnante et originale (alternance de chapitres écrits à la première, deuxième et troisième personne du singulier). Cette idée était-elle présente dès le processus de démarrage ?
Absolument. Je crois qu’inconsciemment, l’idée d’une sainte trinité devait faire son chemin – des personnages plus ou moins proches égocentrées, plus ou moins proches du lecteur.
5. Le roman alterne également situations présentes et flashbacks. Est-il difficile de trouver le juste équilibre pour ce type de narration ?
On se pose des questions en permanence. Faut-il plus d’action ? Est-ce que les gens vont me suivre ? La peur est inévitable. Le doute. Il est difficile d’avancer sans ça.
Je ne suis pas un auteur de thrillers commerciaux. Je ne considère pas un livre comme un ensemble de recettes à appliquer. C’est tellement triste, de répondre systématiquement aux attentes des gens, il y a un côté mécanique absolument mortifère. Si c’était ça qui m’intéressait, si j’étais cynique ou paresseux à ce point, je ferais de la pub ou je serais serveur dans un restaurant. Le livre parle d’itinéraires. Pourquoi fait-on ce que l’on fait ? Peut-on être pardonné ? Existe-t-il une rédemption, une transcendance possible ?
6. Certaines scènes sont difficiles et éprouvantes. Comment vivez-vous l’écriture de tels passages ? Vous fixez-vous des limites ?
Je ne réfléchis pas en ces termes. C’est dur parce que ça doit être dur. La vie qui s’impose à nous ne prend pas de gants, jamais, alors pourquoi l’auteur le ferait-il ? Ou alors, comme je le disais, c’est un autre métier, et on considère que le roman est un petit objet amical qui est là pour aider les gens. Moi je préfère aider les gens en vrai.
7. Votre précédent et excellent roman Blue Jay Way est sorti en poche récemment, le 27 février 2013. Est-ce une nouvelle vie qui commence pour un roman lorsqu’il est publié en poche ?
Oui, bien sûr, je sais que ce roman a gagné de nouveaux lecteurs, des gens qui préfèrent attendre, ou qui n’ont pas beaucoup d’argent, et j’en suis naturellement très heureux.
8. Quel est votre carburant pour vous lancer dans une histoire plutôt qu’une autre ?
C’est une question fondamentale. Une question d’obsession, peut-être. Qu’est-ce qui vous pousse à entreprendre l’ascension de telle montagne, la traversée de tel désert ? L’amour, sans doute.
9. Vous avez récemment participé, entre autre, aux Quais du Polar de Lyon et au nouveau salon du polar de Mulhouse, le contact avec les lecteurs est-il important pour vous ?
En termes de travail, de retour sur mon travail, il n’est pas fondamental – je veux dire par là que nous apprenons peu les uns des autres, hélas, il faudrait des discussions d’une heure avec chacun, et j’adorerais ça, mais ce n’est pas possible. En revanche, la présence du lecteur, l’acte d’achat, quelques mots – voilà qui est nécessairement émouvant et vital.
10. Ce blog est fait de mots et de sons. La musique est très présente dans vos romans. Quelle part prend-elle dans votre processus créatif ?
La musique est à la fois un stimulant et un opiacé. Elle donne de l’énergie et elle ouvre des portes.
11. Le mot de la fin ?
Jenny, le troisième volet de ma trilogie informelle sur le Mal, sortira en 2014. J’espère qu’il sera terrible.
Lien vers ma chronique de “Ta mort sera la mienne”
Lien vers ma chronique de “Plus rien entre nous, Laurens”
Liens vers ma chronique de “Blue Jay Way”
Catégories :Interviews littéraires, Littérature
il faut vraiment que je teste cet auteur!
Il ne fait pas l’unanimité, certains adorent d’autres détestent, c’est sans doute le signe d’un vrai auteur
La polémique : est-ce qu’un auteur qui génèrent des avis contradictoires fait de lui un vrai auteur ! Je ne veux pas avoir d’avis avant de l’avoir lu ! Mais je n’en ai aucune envie. Et dans ce cas, j’attends d’évoluer pour avoir unne bonne raison d’aller vers ses romans !
Je sais plus à travers quel livre je l’avais découvert mais j’avais adoré son style, son écriture. L’interview est vraiment intéressante, pour le coup 🙂
Il a une vraie personnalité, oui !