Olivier Truc a sorti son premier roman l’an dernier : “Le dernier Lapon”.
Et quel roman ! un roman qui vous happe, vous hypnotise par cet environnement et ce peuple si méconnu. Une belle histoire, un vrai roman noir, des personnages formidables qui vous réchauffent malgré le froid glacial qui les entoure.
Une réussite majeure de 2012.
Merci à Olivier de m’avoir accordé ce bel entretien.
L’entretien :
1. Pouvez-vous vous définir en trois mots, juste trois ?
Obstiné, entêté, têtu.
2. Parlez-nous, tout d’abord, de votre expérience avec le peuple sami en Laponie. Vous avez vécu plusieurs mois avec eux, c’est exact ?
Mis bout à bout, j’ai passé plusieurs mois en Laponie, je ne saurais compter exactement. J’ai commencé à trainer là-haut au milieu des années 1990, et j’y suis retourné régulièrement pour des reportages, un documentaire, mais aussi pour crapahuter pour le plaisir. J’ai eu la chance de connaitre assez tôt des Sami qui m’ont fait découvrir d’entrée non pas les aspects folkloriques de leur peuple mais la réalité de leur combat quotidien, moins glamour, pour la survie de leur culture. Je crois que cela a durablement marqué mon rapport à leur condition.
3. Qu’est-ce qui est le plus difficile lorsque l’on vit dans de telles conditions ? Le froid ? L’obscurité ? La solitude ?
Pour les Sami, le grand défi est de survivre au diapason de leur culture. C’est de plus en plus compliqué pour eux. Et pas seulement pour les éleveurs de rennes, qui ne sont qu’une minorité. Les pressions sont multiples et ils ont l’impression d’être acculés.
Le froid, on s’y fait relativement si l’on est bien équipé, ce qui est le cas des gens là-haut. L’obscurité, je crois qu’on ne s’y habitue jamais vraiment. La solitude peut être pesante, mais ça peut être le cas n’importe où.
4. Il est étonnant de lire une telle aventure écrite par un Français, on s’attend plutôt à la lire de la part d’un auteur scandinave…
Pour me glisser dans le moule de la vague scandinave, j’ai bien envisagé de prendre Trucsson comme pseudo, pour faire plus suédois, mais j’ai vite renoncé. Plus sérieusement, mon attirance vient sûrement de mon amour pour les grands espaces et les causes perdues. Et la culture sami est finalement assez peu explorée par les auteurs scandinaves. Suédois et Norvégiens ne se voient pas comme des peuples colonisateurs, or c’est pourtant à une colonisation en règle de la Laponie à laquelle ils se sont livrés. Aujourd’hui encore, c’est une question sensible pour les Scandinaves. Comme souvent, un regard étranger est peut-être plus libre.
Merci pour votre critique très touchante. Difficile de répondre à cette question car je n’ai pas recherché d’effet particulier. J’ai écrit cette histoire comme j’avais envie de la lire, sans me soucier des genres. Je savais ce que je voulais y trouver et j’ai cousu autour de ça. J’imagine que c’est parce que je ne suis pas un auteur de polar traditionnel. L’envie de départ, quelque soit la forme, était de donner la parole à une culture menacée et moins glamour qu’on ne la peint trop souvent et de développer des personnages et des problématiques qui m’avaient inspiré. Il se trouve que j’ai passé pas mal de temps avec des policiers en Laponie et c’est assez naturellement que je me suis retrouvé à mettre en scène de tels policiers. En fait je suis venu au polar parce que mes personnages m’y ont poussé.
6. Écrire un roman est-elle une activité foncièrement différente du métier de journaliste ou avez-vous pu vous appuyer sur votre profession ?
C’est de fait très différent. Le journaliste a pour vocation de collecter, trier, vérifier, analyser et rapporter des faits. De préférence avec une bonne plume mais ce n’est pas l’essentiel. Mais cela fait plus de 25 ans que je suis journaliste et j’ai acquis une certaine routine d’enquête et d’écriture. La feuille blanche ne m’effraie pas. Je nourris beaucoup mon imaginaire de romancier débutant d’histoires vécues et ramassées au cours de mes nombreux reportages.
7. Doit-on s’attendre à un prochain roman dans le même style et quand envisagez-vous de le publier ?
Je travaille actuellement à une suite du «dernier Lapon» mais je n’ai aucune idée de la date de publication. Encore faut-il que je sois content du résultat, et l’éditeur aussi.
8. Vous venez de participer au premier salon du polar de Mulhouse, « le Festival Sans Nom », le contact des lecteurs est-il primordial pour vous ?
Je découvre son importance à chaque nouvelle rencontre, d’autant plus que je n’ai guère de tel contact direct en tant que journaliste correspondant à l’étranger. Ce contact est important pour moi car il me permet de mesurer comment les lecteurs lisent mon livre, qui tout en étant un roman avec les libertés que cela suppose, est beaucoup perçu comme un documentaire. Plus généralement, c’est une formidable motivation pour un auteur de voir à quel point le livre engage, que ce soit les lecteurs, les libraires, les festivaliers, les blogeurs. Il y a une dynamique et une générosité qui réchauffent.
9. Quelles sont vos impressions après ce salon de Mulhouse ?
Beaucoup de chaleur de la part de tous les gens impliqués, l’impression d’un festival déjà rodé dès sa première édition.
10. Ce blog est fait de mots et de sons. La musique prend-elle une part dans votre processus créatif ?
Ce n’est pas systématique, mais il m’arrive d’écrire en musique, et j’écoute certains types de musique pour certains types de chapitre. Je considère la musique comme une forme d’écriture très inspirante car en l’espace de quelques minutes, un auteur est capable de vous transporter dans un univers totalement original et de vous faire passer par des émotions fortes, et c’est bien ce que l’on essaye de faire en écrivant un roman.
11. Le mot de la fin ?
En faut-il un ?
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J’avais loupé celle là et comme je dois lire son livre 😉